Comment interpréter un lieu dans un rêve et comment tisser le lien entre des symboles qui se suivent ?

Pour déchiffrer les symboles de lieux qui apparaissent dans les rêves, je trouve la technique de l'interview de la psychologue américaine Gayle Delaney très efficace (1). Elle a été introduite et diffusée en France grâce à ma formatrice Christiane Riedel (2). Voyons comment appliquer cette méthode en quatre étapes grâce à un rêve dont les deux premières images sont une zone commerciale et une grande surface, Intermarché.

Rêve : Je passe par une zone commerciale, notamment par Intermarché, pour aller à ma conférence. J'arrive une demi-heure à l'avance pour m'installer. Mais je me rends compte que mon ordinateur ne lit plus le power-point. J'essaie de le faire fonctionner, mais il y a comme un virus qui a été installé quand je suis passée par la zone commerciale. Je n'arrête pas d'avoir des pubs sur mon ordi qui s'ouvrent pour des produits d'Intermarché. Ça bloque l'ordinateur. Je commence à paniquer...

Il s'agit de l'un de mes propres rêves, daté de septembre 2022. Les jours précédents ce rêve, j'ai travaillé d'arrache-pied au diaporama de ma première conférence intitulée « À quoi servent mes rêves ? ». Plus largement, je me trouve dans la période de lancement de mon activité d'onirologue et me demande comment me faire connaître. Je publie déjà des articles de blog et des posts sur les réseaux sociaux.

Première étape : la collecte des associations du rêveur

On pose à la rêveuse deux questions, toujours les mêmes :

- Qu'est-ce que ce lieu ? Le but ici est d'obtenir une définition simple du lieu, comme si on l'expliquait à un(e) extraterrestre qui ne connaît rien de la vie sur Terre.

- Comment est ce lieu ? Cette deuxième question invite le rêveur à caractériser le lieu, à donner son ressenti personnel par rapport à cet endroit.

Il est important de noter soigneusement les réponses de la rêveuse mot pour mot.

Allons-y ! Je m'interroge :

- Qu'est-ce qu'une zone commerciale ?

- C'est une zone en bordure de ville avec plein de grandes surfaces.

- Et c'est comment, une zone commerciale ?

- C'est moche et artificiel. Il y a du bitume et de la tôle partout, donc c'est inhospitalier et déprimant. Pour moi, c'est bien représentatif des excès de notre société de consommation. Je me sens complètement vidée après y être passée.

Deuxième étape : le récapitulé des trois associations les plus abstraites

On résume ce qui a été dit en choisissant les trois associations les plus abstraites et on soumet ce récapitulé au rêveur pour voir si ce résumé lui convient. Si un point important a été oublié, le rêveur le signale et on l'ajoute.

- Donc, une zone commerciale, c'est un cadre inhospitalier, représentatif des excès de notre société de consommation, et tu te sens vidée après y être passée, c'est ça ?

- Oui, c'est un bon résumé.

Troisième étape : faire le lien avec la vie de la rêveuse

Il s'agit maintenant de poser la question qui sera toujours la même :

À quoi te fait penser, au moment du rêve, à l'intérieur ou à l'extérieur de toi, … (récapitulé) ?

Il est crucial d'envisager les deux pistes : la piste d'un sens extérieur à la rêveuse (situation extérieure, entourage) et la piste d'un sens intérieur (ressenti ou vécu personnel).

Il se peut que plusieurs hypothèses apparaissent, dans ce cas on les note toutes, et la prochaine étape va permettre de trouver celle qui est la plus pertinente.

Pour notre exemple, cela donne :

- À quoi te fait penser, au moment du rêve, à l'intérieur ou à l'extérieur de toi, un cadre inhospitalier, représentatif des excès de notre société de consommation, et tu te sens vidée après y être passée ?

Moment d'intense réflexion...

- Cela me fait penser aux réseaux sociaux !

Il se peut que plusieurs hypothèses apparaissent, dans ce cas on les note toutes, et la prochaine étape va permettre de trouver celle qui est la plus pertinente.

Quatrième et dernière étape : les vérifications

On reprend une à une les associations de la première étape et on vérifie si elles « collent » au sens trouvé. Si oui, on tient le sens de notre symbole de lieu. Si non, on repose la question pour faire émerger un autre sens possible, éventuellement en choisissant d'autres associations dans la liste.

Dans mon cas, vérifions donc si ce que j'ai dit de la zone commerciale peut être appliqué aussi selon moi aux réseaux sociaux :

- Les réseaux sociaux sont-ils pour toi une zone en bordure de ville avec plein de grandes surfaces ?

- On trouve plein d'entreprises sur les réseaux sociaux, elles y ont chacune leur vitrine. Elles veulent vendre leurs produits ou leurs services. C'est en bordure de la ville, parce que c'est en bordure de la vie, en quelque sorte. C'est un peu en dehors, à la marge de la vraie vie, dans le domaine virtuel, numérique.

- Très bien. Tu as dit aussi que la zone commerciale était moche et artificielle, inhospitalière et déprimante. Est-ce pareil à tes yeux pour les réseaux sociaux ?

- Je ne maîtrise pas du tout les codes des réseaux sociaux, cela ne m'a jamais attirée, je ne m'y sens pas chez moi. Je les trouve artificiels dans la mesure où les gens se montrent souvent sous leur meilleur jour, de manière parfois très idéalisée. Cette fausseté et cette superficialité me dépriment, c'est vrai. Je trouve ce manque d'authenticité assez moche, en fin de compte.

- Tu te sens vidée après avoir passé du temps sur les réseaux sociaux ?

- Exactement ! J'ai fréquemment l'impression d'avoir perdu mon temps avec des choses très creuses.

- Bon, le bitume et la tôle sont trop concrets pour pouvoir être appliqués aux réseaux sociaux. Mais dirais-tu que les réseaux sociaux sont représentatifs des excès de notre société de consommation ?

- Oui, c'est la surenchère. Il faut poster toujours plus souvent, tout le monde fait de la pub pour ses produits ou ses services. Les gens sont engagés dans la poursuite des likes, des commentaires, des abonné(e)s. Tout cela me paraît souvent très vain, même si on trouve assurément de bonnes choses. Et moi qui en rajoute avec mes propres posts... J'ai intérêt à produire du contenu de qualité...

Toutes les associations données au sujet de la zone commerciale s'appliquent aussi aux réseaux sociaux (sauf une, trop concrète). Je tiens donc le sens de mon symbole !

Relisons le début du rêve :

Je passe par une zone commerciale, notamment par Intermarché, pour aller à ma conférence.

Traduction :

Je passe par les réseaux sociaux pour communiquer sur les rêves.

Cela a du sens !

Que représente alors la seconde image, Intermarché ?

Je vais encore l'étudier en détail pour vous permettre de réviser la technique et pour vous montrer comment tisser le lien entre des symboles qui se suivent dans un rêve.

Première étape : la collecte des associations du rêveur

- Qu'est-ce qu'Intermarché ?

- C'est une grande surface où je vais faire une partie de mes courses.

- Intermarché, c'est comment ?

- On y trouve un peu de tout et ce n'est pas trop cher, mais cela me déprime de voir la surabondance, je pense au gaspillage et aux emballages qui créent des monceaux de déchets.

Deuxième étape : le récapitulé des trois associations les plus abstraites

- Donc Intermarché, c'est là où tu fais une partie des tes courses, on y trouve un peu de tout et ça te déprime de voir la surabondance, c'est ça ?

- Yep.

Troisième étape : faire le lien avec la vie du rêveur et avec l'image précédente du rêve

Comme Intermarché n'est pas le premier symbole du rêve, on va le mettre en lien avec le sens du symbole précédent. Je m’appuie ici sur les conseils de Christiane Riedel dans son manuel d’interprétation des rêves Rêves à vivre (3).

La question à poser change un peu :

Alors qu'il est question de … (sens du symbole précédent), à quoi te fait penser, à l'intérieur ou à l'extérieur de toi, … (récapitulé) ?

Voyons ce que cela donne pour notre exemple :

- Alors qu'il est question des réseaux sociaux, à quoi te fait penser, à l'intérieur ou à l'extérieur de toi, un cadre où tu fais une partie de tes courses, où l'on trouve un peu de tout et ça te déprime de voir la surabondance ?

- Haha, dit comme ça, c'est sûrement YouTube !

Quatrième et dernière étape : les vérifications

- Explique-moi ça. Tu fais une partie de tes courses sur YouTube ?

- Oui, c'est le réseau social où je « consomme » le plus de contenu, c'est là que je « m'approvisionne » en vidéos.

- On trouve de tout sur YouTube ?

- Oui, des vidéos instructives, divertissantes, des films, des vidéos pour se détendre, c'est varié. On trouve de très mauvaises et de très bonnes vidéos.

- Ce n'est pas trop cher ?

- Comme je ne supporte pas les publicités, je paye l'abonnement à YouTube Premium, c'est 12 € par mois. Je ne paye pas la redevance télé, or c'est le même montant, donc cela ne plombe pas mon budget.

- Et cela te déprime de voir la surabondance ?

- Oui, le nombre de vidéos augmente de façon exponentielle, or j'ai conscience du coût écologique du streaming. Je pense aux serveurs et à leur consommation d'énergie, ainsi qu'aux terres rares nécessaires pour fabriquer les objets électroniques.

- C'est donc la même préoccupation écologique que celle qui te fait penser aux emballages et au gaspillage à Intermarché alors ?

- Oui, on peut faire ce parallèle.

Intermarché dans le rêve correspond donc à YouTube dans la vraie vie.

Relisons encore une fois le début du rêve :

Je passe par une zone commerciale, notamment par Intermarché, pour aller à ma conférence.

Traduction :

Je passe par les réseaux sociaux, notamment par YouTube, pour communiquer sur les rêves.

On est en plein dedans : j'envisage effectivement de faire des vidéos YouTube où j'explique comment interpréter les rêves !

Aïe, la suite du rêve est plutôt catastrophique...

J'arrive une demi-heure à l'avance pour m'installer. Mais je me rends compte que mon ordinateur ne lit plus le power-point. J'essaie de le faire fonctionner, mais il y a comme un virus qui a été installé quand je suis passée par la zone commerciale (les réseaux sociaux). Je n'arrête pas d'avoir des pubs sur mon ordi qui s'ouvrent pour des produits d'Intermarché (YouTube). Ça bloque l'ordinateur. Je commence à paniquer...

En passant par les réseaux sociaux et par YouTube en particulier pour communiquer, un virus m'a contaminée, le virus commercial de la publicité ! Je pense naturellement aux publicités permettant de monétiser les vidéos, et aux sponsorings acceptés par les créateurs et créatrices de contenu. Je ne peux m'empêcher de trouver cela dommage de faire de la publicité pour les grandes entreprises alors que cela n'a souvent rien à voir avec les contenus que l'on souhaite faire passer.

Et moi dans tout ça ? Quelle va être ma politique ? Est-ce que je souhaite monétiser mes futures vidéos ? Mais à quel prix...

Le rêve me met en garde : le virus commercial risque fort de bloquer toute ma communication sur le travail avec les rêves, de la dénaturer.

Qu'en conclure ?

- Interprétation a minima : ne pas accepter les publicités et les sponsorings dans mes futures vidéos. Ne pas adopter une communication à tonalité commerciale et publicitaire.

- Interprétation maximale : ne pas passer par les réseaux sociaux, ce n'est pas le cadre approprié pour communiquer sur les rêves. Mais alors, comment me faire connaître ? Il me resterait seulement le blog et les conférences.

Je vais continuer à expérimenter en matière de communication tout en surveillant les messages de mes rêves pour m'aligner sur leur logique, qui n'est pas toujours celle du monde environnant.

Je vous souhaite beaucoup de joie et des découvertes profondes grâce à l'élucidation des symboles de vos rêves !

Marianne

Si vous avez envie de soutenir mon travail de publication : paypal.me/MarianneSchertenleib

Références bibliographiques

(1) Delaney Gayle, La clé des rêves, AdA, p. 121-167.
Delaney Gayle, « How to conduct a dream interview », http://www.yoursleepinggenius.com/programs/how-to-conduct-a-dream-interview.

(2) Riedel Christiane, Le blog des rêves, section 15 de la liste des sujets abordés : « Rêves étudiés avec la technique de l'interview », http://christiane-riedel.blogspirit.com/sujets-abordes/.
Riedel Christiane, Rêves à vivre, Manuel pratique et spirituel d'interprétation des rêves, Éditions de Mortagne, 1995, p. 33-90. Comme ce livre est difficile à trouver, Christiane est en train de le publier par petits morceaux sur son blog, cela commence ici.

(3) Riedel Christiane, Rêves à vivre, Manuel pratique et spirituel d'interprétation des rêves, Éditions de Mortagne, 1995, p. 79-84. Comme ce livre est difficile à trouver, Christiane est en train de le publier par petits morceaux sur son blog, cela commence ici.

Crédits illustrations

Je remercie les artistes qui m'ont permis d'illustrer cet article. | Zone commerciale de nuit : Tom Fisk | Zone commerciale de jour : Kelly | Réseaux sociaux : Tracy Le Blanc | Personnes regardant toutes leur smartphone : cottonbro studio | Jeune femme faisant ses courses dans un supermarché : Anna Shvets | Ordinateur affichant la page d'accueil de YouTube : Joshua Miranda | Photomontage d'un ordinateur affichant des publicités à partir d'une photo de Karina Zhukovskaya | Façade couverte de panneaux publicitaires lumineux : Negative Space.